mercredi 7 janvier 2015

EPS : Corps au travail

Corps au travail : préjugés et prévention

Notre tradition française valorise le travail intellectuel et cérébral au mépris souvent du travail corporel et du sensible. Pourtant, l’engouement pour l’art et la culture, y compris sous l’angle financier et économique, montre que ces deux aspects n’ont pas à être dissociés.
L’enseignant  d’EPS est encore souvent ignoré et son travail méconnu parce que chacun juge à l’aune de son expérience et beaucoup se souviennent de cours de gym peu attrayants, avant la création du Capeps et l’exigeante formation en Staps qui y conduit.
Pour acquérir la dignité universitaire indispensable en France, il a fallu instituer une « discipline » et une agrégation, gage de « sérieux » (elle établit toutefois une inégalité dans le nombre d’heures de service peu équitable entre enseignants d’EPS quand il s’agit du même travail au profit des mêmes élèves.) Ce concours sélectif, accordant une grande place à la performance sportive, incitait à forcer sur l’entraînement physique pour s’assurer la note la meilleure quitte à en payer le prix peu après avec des problèmes articulatoires ou musculaires.
Ce lien fort avec le sport entraîne aussi des contraintes d’espaces normés : stade, gymnase, piscine avec, comme pour les autres disciplines, la tentation de calquer l’enseignement sur la pratique et les résultats des meilleur-e-s . Étalonner les résultats des élèves à partir de ceux des champions, mettre de mauvaises notes : être un « vrai » prof ? Heureusement, les enseignants d’EPS sont formés à la pédagogie et les programmes ont le souci de valoriser le développement et les progrès de l’élève indépendamment d’une norme idéale, inaccessible à un grand nombre.
Les enseignants d’EPS, travailleurs du corps, ont droit à une médecine de prévention adaptée à leurs activités. Leurs espaces de travail, gymnases et piscines particulièrement bruyants, ont à être aménagés en conséquence et le jeu, plus souple et riche de possibilités, doit être privilégié pour déjouer les contraintes matérielles et permettre le développement des virtualités de chaque élève, qui ne sont pas que sportives mais aussi artistiques, relationnelles, pour un développement global, personnel et humain.
La problématiques du corps au travail commence à être prise au sérieux dans les CHSCT. Elle vient aussi d’être prise en considération dans un lieu d’excellence emblématique, où l’on ne saurait, certes, parler de sport mais d’exigence physique de très haut niveau : l’opéra de Paris, qui a réalisé un audit avec une physiologiste. Un demi-million d’euros a été levé pour remplacer les parquets. Des problèmes ont été diagnostiqués à la réception des sauts. Le nouveau directeur, Benjamin Millepied, envisage aussi un aménagement du temps pour mieux gérer les moments de récupération : pause plus longue à midi pour manger et faire des exercices de prévention.
Un bilan de santé au Mallandin Ballet Biarritz, en 2011, par l’équipe médicale composée d’un médecin du sport, d’un kinésithérapeute et d’un ostéopathe, montrait que 16 % des danseurs souffraient de traumatismes aigus et 84 % de micro blessures.Des actions de prévention ont été mises en place : sophrologie, analyse des postures et de la gestuelle, sensibilisation à la nutrition, étude du rythme de récupération, du système respiratoire (cf. La Croix 12 décembre 2014, Danse et santé, un pas de deux à travailler, un article de Marie Soyeux.).
A quand une médecine de prévention digne de ce nom à l’Éducation nationale ?

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