dimanche 11 mai 2014

desintox de la semaine : explication sur les heures de chaire



Désintox de la semaine : les enseignants blessés dans leur chair(e) ?

« À large panse, maigre cervelle ! Les morceaux succulents, s’ils enrichissent la chair, mettent l’esprit en banqueroute. »
William Shakespeare
Le seul changement concret, sonnant et trébuchant oserais-je dire, du décret 2014 sur les missions des enseignants, applicable à la rentrée 2015, concernera la disparition de l’heure de chaire. Mais rassurez-vous, comme le dit Lavoisier ou Anaxagore ou tout simplement le bon sens, « rien ne se perd, tout se transforme ». Ainsi, un nouveau principe fera son apparition en septembre 2015 : la pondération.
Les collègues de BTS et de CPGE en connaissent déjà le fonctionnement : pour les premiers, une heure de cours est actuellement et sera toujours comptée pour une heure et quart de service ; pour les seconds, une heure de cours est actuellement et sera toujours comptée pour une heure et demie de service. Jusqu’à l’an prochain, les collègues enseignant dans le cycle terminal du lycée au moins six heures dans des classes aux programmes différents voient leur service minoré d’une heure (concrètement, s’ils doivent 18, ils feront 17 payées 18, ou bien 18 payées 19) et ce depuis 1950.
Le Ministre Peillon a proposé et fait approuver dans le futur décret la suppression de l’heure de chaire et l’instauration d’une pondération d’1,1 pour tous les enseignants du cycle terminal (sauf les professeurs d’EPS et les PLP. Pour une explication, voir les adeptes des corps à gogo) dès la première heure pour un maxima d’une heure. Le gain possible est donc d’une heure au plus soit la même chose qu’avec l’heure de chaire. Il y a deux différences qui permettent de voir le verre à moitié vide et le verre à moitié plein.
Commençons par le verre à moitié vide : là où il faut aujourd’hui six heures pour gagner l’heure de chaire, il en faudra demain dix. Soit quatre heures de plus et donc une perte potentielle de salaire si l’on en croit les calculs florissant ici ou là pour tirer à boulets rouges sur cette nouveauté. Bref, ce serait une preuve de plus que ce projet n’a qu’un seul but : paupériser la classe enseignante.
On peut aussi voir le verre à moitié plein pour différentes raisons.
Premièrement, la pondération est effective dès la première heure travaillée dans une classe du cycle terminal. Il ne sera donc plus besoin d’atteindre six heures pour décrocher le jackpot. Par exemple, un collègue assurant actuellement cinq heures en terminale ne touche rien, il bénéficiera avec la pondération soit d’un allègement de service d’une demie-heure soit d’une demie HSA. Cette mesure couplée avec la suppression de la majoration de service pour effectifs faibles (c’est-à-dire le fait de devoir assurer gratuitement une heure de plus) aura pour effet de mettre sur un pied d’égalité en termes de traitement (au sens de rémunération mais pas seulement) les enseignants de toutes les disciplines, y compris ceux jusqu’alors les plus pénalisés (langues à petits effectifs, lettres classiques notamment).
Deuxièmement, il ne sera plus possible d’avoir une interprétation élastique du texte officiel selon les chefs d’établissement pour acheter la paix sociale, selon les lobbies disciplinaires pour se garantir des rentes de situation, selon les moyens de l’établissement ou du rectorat.
Pour le Sgen-CFDT, cette pondération, dans le système tel qu’il fonctionne actuellement, a le mérite de la transparence et de la justice, deux qualités nécessaires au bon fonctionnement des établissements. Transparence d’un côté puisque le texte n’offre pas d’interprétation subjective possible « chaque heure d’enseignement réalisée par les enseignants [...] dans le cycle terminal de la voie générale et technologique est décomptée
pour la valeur d’1.1 heure »). Justice de l’autre puisque tous les collègues sont à quantité de travail égale dans un même lieu (l’établissement, le cycle) traités de la même manière.
Toutefois, on ne peut que regretter que le collège, lieu de souffrance clairement reconnu pour les élèves et les personnels, ne soit intéressé par aucune forme de reconnaissance de la difficulté des conditions de travail. Il faut sortir de l’idée que seule la complexité ou l’excellence des programmes mérite reconnaissance. La pondération de 1,1 en REP+ est la seule qui signifie que les conditions d’exercice des collègues méritent aussi une reconnaissance en temps (il y a de l’indemnitaire aussi).

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